Yannis Kondos : Justifications
Comme si je ne savais pas où je suis je parle
sans arrêt du ciel et de toi.
Je suis dans la terre, enfoui jusqu'au cou,
effrayé, blême, boule de chagrin.
Les couleurs sont encore belles.
Surtout les ombres de ton corps.
Comme si je ne savais pas où je suis je projette
des voyages. Caché derrière la porte
j'attends le juge et le commissaire.
La mer vient tout recouvrir, et nous nageons
déjà au large. Mais quand je te vois je fleuris.
Du bois brûlé surgissent des feuilles.
Comme si je ne savais pas où je suis je t'embrasse
désespérément, comme si je partais pour la guerre.
Dans mon rêve tout le temps je vois Karyotàkis
qui me sourit d'un air complice.
Un rideau blanc se déchire et me révèle
un jardin plein de pommiers et d'anges.
Comme si je ne savais pas où je suis je continue
ce poème rouillé, tandis que ma maison
est déjà la proie des flammes.